La réforme du 100% santé, entrée en vigueur au 1er janvier 2020, avait pour objectif principal de lutter contre la renonciation aux soins notamment sur les postes dont les dépassements d’honoraires sont importants : dentaire, optique et appareillages auditifs. Elle devait permettre aux assurés de bénéficier reste à charge modéré sur ces postes – voire nul – après la prise en charge de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) et des assurances complémentaires santé. Deux ans après, la première version du 100% santé a permis d’améliorer la couverture des assurés en dentaire et en audio. Les effets ont été moindres en optique. Ces améliorations de couverture ont été en partie financés par une dégradation des marges techniques des assureurs.

Extension du panier 100% Santé aux prothèses capillaires

Un amendement au projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2023 élargit le 100% santé aux prothèses capillaires. Il permet donc aux adhérents de bénéficier d’un reste à charge nul. Cette garantie concerne les prothèses capillaires destinées aux femmes touchées par une maladie comme un cancer par exemple et traitées par chimiothérapie. 
D’après les chiffres du gouvernement, chaque année plusieurs dizaines de milliers de femmes sont touchées par cette maladie et pas moins de 350 000 sont traitées par chimiothérapie. Seulement 14% des personnes ayant subi des chimiothérapies (soit environ 50.000) bénéficient d’une prothèse capillaire prise en charge par l’Assurance Maladie, ce qui laisse clairement apparaître un renoncement aux soins. 

La Sécurité Sociale prend jusqu’à présent en charge deux classes de perruques totales. La première catégorie concerne les perruques faites de cheveux synthétiques, dont au moins 15 cm² sont implantés à la main. Le prix ne peut pas dépasser 350 €, entièrement pris en charge par l’Assurance maladie. La problématique du renoncement aux soins ici tient plus à des raisons esthétiques et de confort.

Pour la classe 2, les perruques doivent comporter au moins 30% de cheveux naturels, avec 30 cm² implantés à la main. Pour ouvrir droit à une prise en charge, le prix de vente ne doit pas dépasser 700€. La prise en charge s’élève alors à 250 €. Le reste à charge moyen en 2020 pour les prothèses de classe 2 est fixé à 376€. La problématique du renoncement aux soins est ici clairement financière.

Jusqu’à présent, aucun reste à charge n’était à prévoir pour les perruques de classe 1. Pour les perruques de classe 2, le remboursement était extrêmement variable en fonction des complémentaires. L’amendement permet donc un remboursement total et un accès sans surcoût à des prothèses capillaires de qualité.

Reste à mener un travail sur la nomenclature. L’objectif serait d’améliorer la qualité des perruques proposées dans la classe 1 et de couvrir le reste à charge des perruques de classe 2.

Malgré le fait qu’il est encore difficile de prévoir l’impact financier de l’intégration de cette garantie dans la réforme 100% santé, les organismes complémentaires semblent favorables à la prise en charge des accessoires capillaires au vu des reste à charge relativement contrôlables. Un chiffrage plus précis nécessiterait une évaluation au préalable des paniers actuels, l’adaptation du remboursement du prix limite de vente et l’amélioration de la qualité des perruques.

Extension du panier 100% Santé aux fauteuils roulants

En avril, lors de la sixième Conférence nationale du handicap, Emmanuel Macron a également annoncé la prise en charge intégrale des fauteuils roulants pour 2024. Aujourd’hui, le prix des fauteuils roulants peut atteindre jusqu’à 25 000 €, avec une prise en charge de la Sécurité Sociale maximale de 5 200 €. La prise en charge par la complémentaire santé varie en fonction des garanties proposées par le contrat. Le reste à charge peut ainsi être très conséquent.

Tout comme les prothèses capillaires, il est indispensable d’avoir une ordonnance du médecin afin de bénéficier de l’extension de garantie permettant une prise en charge partielle des fauteuils roulants par l’AMO (Assurance maladie obligatoire). Mais le reste à charge, élevé, peut peser dans les budgets santé des assurés d’autant plus que, très souvent, d’autres frais sont engagés (comme les accessoires, les équipes et appareillages médicales, etc.).

Les mutuelles sont inquiètes quant à cette garantie et à ses limites financières. Elles évoquent notamment le risque pour certains adhérents de ne pas bénéficier de fauteuils roulants possédant des options suffisantes. Elles évoquent aussi le fait que la prise en charge des fauteuils roulants ferait partie du plan de financement du handicap de l’Etat.

Intégration des soins d’orthodontie au panier 100% santé

La première version de la réforme 100% santé ne concernait, en dentaire, que les actes prothétiques. Face à des restes à charge importants, son extension à l’orthodontie est également à l’étude. Selon le dernier rapport sur l’évolution des charges et des produits de l’Assurance Maladie , 1,9 milliard d’euros ont été dépensés au titre de l’orthodontie en 2021, dont 530 millions remboursés par la Sécurité sociale et 1,3 milliard d’euros de reste à charge.

Depuis 2013, les dépenses d’orthodontie sont en augmentation continue, en raison de la hausse du taux de recours. Le nombre d’orthodontistes restant stable face aux besoins des Français qui ne cessent de s’accroître, des disparités ont été observées notamment concernant les dépassements d’honoraires et les tarifs en nette augmentation. Il semble nécessaire de fixer les honoraires au même titre que les actes prothétiques des paniers 100% santé afin de contrôler le reste à charge après l’intervention de la Sécurité Sociale. Thomas Fatôme, directeur général de l’Assurance-maladie a récemment alerté sur ce sujet : « On considère que le système tel qu’il existe est hors de contrôle en matière de reste à charge pour les familles ».

La hausse des recours qu’engendrerait cette prise en charge intégrale serait particulièrement importante et pourrait entraîner un dérapage des dépenses des complémentaires santé.

Les complémentaires santé souhaitent donc, en amont de l’intégration de l’orthodontie dans les garanties concernées par la réforme, procéder à une régulation et un plafonnement des prix.

Face à l’extension envisagée du dispositif 100% santé, l’avis des acteurs de la santé en France reste mitigé. Globalement favorables à l’extension de la réforme aux prothèses capillaires, ils restent réticents à la prise en charge des fauteuils roulants et à l’orthodontie. Ils souhaiteraient préalablement mettre en place des conditions de prise en charge et des contrôles, notamment sur les prix définis par les professionnels de santé (orthodontistes). Une telle extension paraît risquée à court terme au vu des difficultés en termes de suivi et de pilotage. Il faudrait étudier les impacts potentiels en termes de coûts et de fréquence de consommation afin de réguler au mieux les tarifs et d’éviter tout dérapage. Le gouvernement devrait procéder en amont à une évaluation de l’impact de cette extension, afin de faciliter l’accès aux soins des Français sans pénaliser les acteurs de la santé.