Value for Money, une initiative qui a du sens 

Tout d’abord, un constat : les participants ont exprimé de manière unanime un consensus quant à l’impact positif de la réglementation Value for Money sur le marché de l’assurance vie. Cette réglementation constitue une opportunité décisive pour inventorier les fonds qui, malgré des frais élevés, ne parviennent pas à se démarquer. En plus de permettre cette rationalisation de la gamme, elle favorise un renforcement de la communication entre assureurs, sociétés de gestion et distributeurs. 

Value for money, 3 écueils à surmonter 

Les intervenants ont néanmoins identifié trois écueils soulevés par la réglementation à mettre en place. 

Le premier, c’est le calendrier. La mise en œuvre de Value for Money s’annonce particulièrement complexe dans une période où l’activité et la collecte ralentissent. Engager un déréférencement massif paraît difficile. Après un cycle de développement accéléré des unités en compte soutenu par la faiblesse des taux, les assureurs font face à une conjoncture moins porteuse qui risque de peser encore sur la collecte au cours des mois à venir. 

Le deuxième écueil, c’est la grille d’analyse du couple frais/rendement. Pour les intervenants, la catégorisation fondée sur le niveau de risque SRI et la classe d’actifs ne permet pas d’intégrer des critères de différenciation tels que la labélisation ou encore le style de gestion. Cela pénalise les fonds qui se distinguent par des critères autres que les frais ou la performance. Cela crée aussi une difficulté à référencer de nouveaux fonds se voulant innovants. De plus, en l’absence de distinction entre les différents styles de gestion, les bassins de comparaison existants ne tiennent pas assez compte de la sensibilité de chaque style avec le contexte macroéconomique. 

Le troisième écueil constitue une menace à plus long terme. Il s’agit de la convergence des frais à la baisse, avec le risque d’un rétrécissement de l’offre sur des produits standardisés. L’application successive du filtre value for money chaque année risque de faire disparaître du marché des gestions de qualité, avec des frais justifiés mais hors de la « norme ». A la clé : une potentielle concentration sur quelques acteurs et un moindre choix. 

Value for money, la transformation de la gamme est amorcée 

Les réflexions de la place ont déjà commencé. Et de premières tendances se manifestent. 

Première tendance : les cleanshares. Caractérisées par l’absence de rétrocessions, elles ont permis à certains assureurs d’anticiper la réglementation « Value for Money » à court terme. Les fonds cleanshares sont cependant compensés par des frais de contrats plus élevés. On peut donc s’attendre à une extension de la réglementation, à terme, pour inclure l’ensemble des frais présents dans un contrat d’assurance. 

Autre piste de réflexion : les ETF. Avec des frais souvent plus bas, les ETF semblent pouvoir constituer une alternative aux fonds en gestion active perdant en compétitivité. Ce type d’actifs connaît une popularité croissante aux Etats-Unis où la part en gestion passive a dépassé celle de la gestion active. Son essor est cependant bien plus difficile en France où prédomine une culture centrée sur la gestion active. Par ailleurs, les épargnants ont tendance à se tourner vers les livrets traditionnels plutôt que les fonds en ETF dans une optique d’investissement passif à faible coût. 

De plus, les ETF, dont l’un des objectifs principaux est la diversification, ont tendance à suivre des indices boursiers concentrés sur des actifs fortement corrélés entre eux, comme c’est le cas pour le S&P500 et le secteur technologique aux Etats-Unis. 

L’émergence d’une différenciation par les services 

Pour ce qui est du private equity, dont la démocratisation est encouragée par des réglementations telles que la loi Pacte ou la loi Industrie Verte, la question de l’illiquidité reste une difficulté. Les gestionnaires d’actifs ont souligné la difficulté à investir dans ce type d’actifs, en particulier lorsqu’il s’agit de PME ou ETI : illiquidité, complexité de valorisation…
Pour les assureurs, la capacité à offrir de la liquidité sur des classes d’actifs illiquides constitue une valeur ajoutée proposée au client, mais implique nécessairement une certaine maturité de l’épargnant, notamment dans la compréhension des coûts inhérents. 

La relation avec l’épargnant occupe une place de plus en plus cruciale, non seulement en raison des réglementations strictes qui ont déjà renforcé la transparence pour l’investisseur particulier, mais aussi pour justifier les frais de certains fonds. Dans ce contexte, il sera impératif de mettre en place des services pertinents et de haute qualité, tant du côté des assureurs que des distributeurs et gestionnaires d’actifs : accompagnement à l’investissement, reporting précis et réguliers… 

Hausse des barrières à l’entrée, un modèle qui pourrait s’étendre 

Un autre élément structure la transformation en cours du marché : c’est l’effet ciseau entre la baisse des frais que va engendrer value for money et la hausse des coûts (conformité, approvisionnement de donnée) liés à la gestion des risques ou à la réglementation ESG. Résultat : une remontée des barrières à l’entrée, qui rend difficile l’émergence de nouveaux acteurs. Et une pression à jouer sur les volumes, via la collecte ou des opérations de rapprochement. 

Ce nouveau paysage réglementaire incite ainsi les acteurs du marché à repenser en profondeur leurs stratégies et à adopter une approche plus sélective dans le choix des fonds mais aussi dans leurs politiques de partenariats, dans la mise en place de nouveaux services… D’autant que, si les OPC demeurent la cible principale aujourd’hui, il est très probable que value for money s’étende à d’autres classes d’actifs, tels que les produits structurés ou l’immobilier, dans le but de couvrir à terme l’intégralité des actifs proposés en assurance. De quoi laisser présager d’autres transformations à venir. 

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Cet article s’appuie sur les échanges de la conférence organisée par SeaBird le 23 novembre 2023. Cette conférence a réuni : 

  • Francoise Heckmann, Directrice Produits Epargne – Allianz France 
  • Joëlle Dalbera, Responsable Pôle Marketing Financier – AG2R La Mondiale 
  • Pierre Pincemaille, Secrétaire Général – DNCA Finance 
  • Yves Conan, Directeur Général – Linxea 
  • Guillaume Poli, Directeur du Développement – Ofi Invest 
  • Mathilde des Courtis, Directrice Associée – SeaBird 
  • Nicolas Brisson, Manager Offre Ingénierie financière – SeaBird