Cet article a été co-écrit avec nos partenaires du Lab.Transition : Mapmondes et Weefin.

5 étapes pour définir une stratégie de transition

Quels que soient les objectifs ESG visés par une société de gestion (réduction de l’intensité carbone du portefeuille, réduction de l’impact négatif sur la biodiversité, performance sociale, etc.), la mise en œuvre d’une démarche de transition de son portefeuille s’appuie généralement sur la même démarche, en 5 étapes.

  1. Définir son positionnement ESG stratégique : définir les principaux enjeux et objectifs ESG que la société privilégie et formaliser une vision à moyen-long terme alignée avec la stratégie d’investissement.
  2. Evaluer la maturité ESG du portefeuille : à partir des enjeux identifiés, réaliser une due diligence ESG du portefeuille afin de cibler la maturité des entreprises et prioriser les actions vers les sociétés présentant le plus fort potentiel de transition.
  3. Fixer les objectifs et initiatives : traduire les objectifs ESG en initiative concrètes de transition à mettre en œuvre avec des indicateurs ESG associés.
  4. Déployer et engager le portefeuille : développer les mécanismes d’engagement actionnarial afin d’accompagner la transition des entreprises du portefeuilles et réorienter les investissements.
  5. Piloter la performance ESG : suivre de la mise en œuvre des actions, pilotage de la performance ESG et adaptation des plans d’action.

Définir son positionnement ESG stratégique et ses objectifs en s’appuyant sur des cadres de référence et l’analyse de maturité du portefeuille

La définition du positionnement ESG stratégique d’une société de gestion et des objectifs de transition du portefeuille associés peut s’appuyer sur des cadres de référence dédiés.

Parmi eux, la Taxonomie européenne propose un système de classification et de mesure de la durabilité des activités économiques selon 6 objectifs (atténuation & adaptation au changement climatique, protection de la biodiversité, utilisation durable de l’eau, économie circulaire et prévention de la pollution). Cela permet à la fois de s’inscrire dans les exigences réglementaires tout en renforçant la crédibilité des engagements auprès des parties prenantes (investisseurs, clients institutionnels, société civile, etc.).

Cette définition doit être complétée par une analyse de maturité ESG du portefeuille afin de cibler son potentiel de transition et affiner ses objectifs. Cette analyse repose sur plusieurs critères :

  • Portefeuille lié à des secteurs à fort impact environnemental (énergie, industrie lourde, transport, agriculture, etc.) ou social (secteurs avec une forte masse salariale, des impacts sur les communautés locales, des conditions de travail difficiles, etc.) et donc à fort potentiel de transition ;
  • Gouvernance RSE déjà établie ou présence de référents RSE ;
  • Stratégie RSE déjà formalisée, alignée sur des cadres de référence (CSRD, GRI1) ;
  • Niveau d’exposition à des risques physiques et de transition pouvant affecter financièrement la performance de l’entreprise, ce qui peut renforcer la volonté de mettre en œuvre des plans de transition.

Le niveau de participation – majoritaire ou minoritaire – de la société de gestion induit également la marge de manœuvre possible pour mettre en œuvre la transition.

1 Les normes GRI (Global Reporting Initiative) représentent les bonnes pratiques mondiales de reporting public portant sur un large éventail d’impacts économiques, environnementaux et sociaux.

Aligner positionnement ESG et stratégie d’investissement

En fonction des objectifs retenus et de l’analyse de maturité ESG, les sociétés de gestion peuvent opter pour :

  • une stratégie d’exclusion des actifs jugés incompatibles avec leurs objectifs,
  • une stratégie d’engagement pour inciter les actifs sous gestion à améliorer leurs pratiques ESG,
  • voire une combinaison des deux.

Dans le cas d’une stratégie d’engagement, l’engagement actionnarial devient alors un levier central, notamment en ciblant les efforts sur les sociétés offrant le plus fort potentiel de transition. Loin d’une logique punitive ou normative, cette approche s’inscrit dans une logique de dialogue et de création de valeur partagée.

Cet engagement actionnarial peut prendre plusieurs formes :

  • Le dialogue bilatéral (ou engagement direct) pour conseiller les entreprises de son portefeuille et les orienter vers des pratiques ESG plus durables, par exemple dans la mise en œuvre d’un plan de décarbonation.
  • Le vote en Assemblée Générale pour prendre des décisions sur l’orientation stratégique de la société alignées avec les objectifs ESG de la société de gestion.
  • La proposition de résolutions telles que les initiatives « Say On Climate » ou « Say On Nature », visant à recueillir l’avis des actionnaires sur la stratégie climatique ou biodiversité de l’entreprise et sa mise en œuvre.
  • En dernier recours, définir un processus d’escalade pouvant aboutir à l’engagement d’actions en justice pour forcer les entreprises à agir conformément à des normes éthiques ou environnementales ou au désinvestissement.

Par exemple, dans le cadre de sa stratégie biodiversité, Abeille Assurances a défini des seuils d’exclusion des activités de production biocides et néonicotinoïdes selon le chiffre d’affaires, tout en menant une campagne de sensibilisation auprès de ses émetteurs qui sont actuellement fournisseurs significatifs de biocides.

Evaluation et pilotage de la transition

Toutefois, l’engagement actionnarial n’est réellement efficace que s’il s’appuie sur une évaluation pertinente de la trajectoire des entreprises du portefeuille. Les investisseurs gagnent ainsi à privilégier les entreprises disposant d’objectifs de réduction validés scientifiquement par la Science Based Targets Initiative (SBTi)2 pour le volet climat ou le Science Based Targets Network (SBTN)3 pour le volet biodiversité.

Ils peuvent également recourir à des outils permettant d’évaluer la robustesse des plans de transition, comme les scores de crédibilité développés par la Plateforme européenne de la finance durable dans un rapport dédié. Cette dernière propose un cadre d’analyse structuré pour apprécier la crédibilité de ces plans qui s’appuie sur quatre éléments clés : des objectifs de réduction fondés sur des données scientifiques et assortis de délais, des leviers concrets de décarbonation, une intégration du financement du plan de transition dans la stratégie financière globale de l’entreprise et une gouvernance robuste.

Ce référentiel offre ainsi aux investisseurs des repères pour piloter leurs stratégies de manière plus exigeante et plus impactante et mieux orienter les investissements vers les entreprises réellement engagées.

2 La Science Based Targets Initiative aide les entreprises à fixer des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre alignés sur les données scientifiques du GIEC pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C ou bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

3 La Science Based Targets Network (SBTN) est une extension de la SBTi, qui vise à intégrer la nature dans les objectifs scientifiques. Elle aide les entreprises et les villes à fixer des objectifs pour la biodiversité, l’eau douce, les terres et les océans, en plus du climat.

Conclusion

Accompagner la transition de son portefeuille reste un exercice exigeant pour une société de gestion. Des défis persistent pour assurer un pilotage dans la durée et éviter l’écart entre les discours et la mise en œuvre.