L’amendement Bourquin, voté en février 2017 et applicable depuis début 2018a autorisé les assurés à résilier leur contrat d’assurance emprunteur à chaque date anniversaire. Il a permis aux ménages français de réaliser d’importantes économies en faisant jouer la concurrence entre bancassurances et autres organismes d’assurance. Toutefois, plusieurs autres constats peuvent être faits. 

Hausse des résiliations en assurance emprunteur

Premier constat : cet amendement a conduit à une hausse des résiliations. Le taux moyen de résiliation a atteint 9,1% sur la période 2018-2020, alors qu’il était de 5,4% sur la période 2015 à 2017. 

Cette hausse a entraîné une baisse de la rentabilité des contrats. Les risques de mortalité, de remboursement anticipé et de résiliation sont habituellement lissés sur la durée des contrats, ce qui implique que, pour les périodes observées avant la réforme, la prime versée par l’assuré ne couvre pas forcément le risque réellement pris par l’assureur. 

Pour pallier cette hausse des résiliations, les bancassureurs ont adopté une approche de tarification basée sur le capital restant dû (CRD) et non plus sur le capital initial. Cette modification a permis de limiter l’impact des résiliations sur le résultat escompté par l’assureur. 

Mais l’effet sur la rentabilité des contrats est resté significatif. En effet, en nous appuyant sur les statistiques 2018 de l’INSEE sur les contrats emprunteurs, nous avons projeté la rentabilité d’un portefeuille type de 100 contrats. En retenant l’hypothèse d’un taux de résiliation de 9% en 5 ans, notre étude met en évidence une baisse de 17% du rendement global de ce portefeuille. L’indicateur sinistre sur cotisation (S/C) se dégrade lui aussi, avec une augmentation de 10%. 

Ce constat s’explique par les changements de comportement de certains assurés après l’adoption de l’amendement Bourquin. Les résiliations de contrats proviennent majoritairement d’assurés de 25 à 35 ans. Cette catégorie de population absorbe une part importante de la charge de sinistralité des contrats emprunteur en faveur d’autres catégories (personnes plus âgées et à faible revenu). 

En matière de concurrence, les effets de la réforme Bourquin et des textes qui l’ont précédé (loi Lagarde de 2010 puis loi Hamon de 2014) sont moins évidents. Les bancassureurs détiennent encore près de 88 % des parts du marché de l’assurance emprunteur. 

Assurance emprunteur : impact de la résiliation infra-annuelle

Le 25 novembre 2021, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi permettant aux assurés de changer de contrat d’assurance sans contrainte de délai et sans frais après la 1ere année de souscription, sur le modèle de la résiliation infra-annuelle (RIA) pour les contrats d’assurance auto et habitation. Le texte est désormais entre les mains du Sénat. 

Cette nouvelle proposition permettrait aux ménages emprunteurs d’économiser au moins 550 millions d’euros par an, selon les calculs de l’association de consommateurs « UFC-Que Choisir ? ». La réforme aurait ainsi un impact non négligeable pour les quelque 7 millions de propriétaires ayant un contrat emprunteur en cours. Dans son exposé des motifs, le texte présenté à l’Assemblée évalue le gain entre 5.000 et 15.000 euros par dossier d’emprunt (sur toute la durée du prêt). 

Détérioration du taux de résiliation et de la rentabilité

Avec la liberté de résiliation offerte aux assurés par ce nouveau texte, les assureurs doivent s’attendre à une nouvelle augmentation du taux de résiliation, comme l’avait déjà provoqué l’amendement Bourquin de 2017. 

Le rendement du portefeuille assuré s’en trouverait également entamé dans des proportions plus élevées que celle observées avec l’amendement Bourquin. L’étude que nous avons réalisée projette dans ce cas de figure une baisse du taux de rendement de 23%, soit 6 points de plus que dans la configuration Bourquin. Quant au ratio S/C, il subirait une dégradation plus importante, avec une hausse de 3 points supplémentaires. 

L’équilibre des bancassureurs se trouverait donc remis en question, les conduisant à nouveau à réadapter leurs méthodes et approches de calcul. Reste à observer si les effets sur les parts de marché respectives des bancassureurs et des autres organismes d’assurance seront plus significatifs que ceux des précédentes réformes.