Article rédigé par SeaBird sur la base d’échanges réalisés avec certains partenaires du Lab.Distribution : Fasst, Lya Protect, Seriance Conseil, Seyna et SPVIE.
Les marketplaces ont trouvé leur place dans la chaîne de distribution
Depuis 2010, notamment avec la montée en puissances des fintechs et néo banques, les marketplaces ont révolutionné le marché de l’assurance avec ce triptyque de bénéfices : centraliser l’information, faire gagner du temps (baisse du délai d’accès aux marchés) et diminuer la charge administrative des distributeurs.
Une réponse aux besoins des courtiers de proximité
La formule séduit beaucoup les courtiers de proximité. En effet, compte tenu de leur taille réduite, ils sont en recherche constante d’économies d’échelle et de gain d’efficience. Les marketplaces leur permettent également de renforcer leur image de marque car l’accès à une gamme étoffée et diversifiée de produits d’assurance est facilité. De plus, les plateformes savent également opérer en marque blanche, permettant ainsi aux courtiers de conserver leur propre identité commerciale vis-à-vis du client, tout en bénéficiant d’outils professionnels.
En complément, les marketplaces permettent également aux courtiers de proximité de suivre les nombreuses évolutions du marché en matière d’expérience client. La réglementation s’est considérablement accrue, l’exigence des clients également et par conséquent leur volatilité, sans oublier l’évolution fréquente des produits commercialisés.
Les marketplaces, facilitatrices d’accès
Les plateformes répondent à beaucoup de ces impératifs car :
- Elles permettent d’avoir accès à plusieurs dizaines d’assureurs sur un même outil sans avoir des protocoles de courtage lourds avec des engagements de volume importants et diversifiés auprès des compagnies.
- Elles donnent accès à plusieurs produits simultanément (RCP, Santé Individuelle, Prévoyance, Epargne etc).
- Elles offrent un accès facile pour répondre qualitativement aux charges réglementaires, et allègent ainsi la charge administrative. Par exemple, certaines plateformes donnent la possibilité aux courtiers de télécharger le KYC réalisé hors de la plateforme ou d’utiliser celui de l’outil directement.
- Elles permettent à chaque acteur de la chaîne de bénéficier d’un parcours utilisateur simple, lisible et commun à plusieurs assureurs.
Par exemple, la marketplace Brokoli permet, via des parcours digitaux simplifiés et uniformisés, de construire une offre spécifique via un catalogue de 1000 offres santé collectives et professionnelles d’une quinzaine d’acteurs assurantiels majeurs.
D’ailleurs, côté assureurs, les avantages existent également car les coûts sont optimisés grâce à la centralisation du réseau de distribution. Ils mettent ainsi une seule fois à disposition de tous les courtiers leur tarificateur ou leurs APIs, ce qui leur permet d’accroître leurs volumes.
Marketplace, un écosystème fragmenté
Fragmentation des plateformes
Aujourd’hui, les plateformes de distribution sont fréquemment regroupées sous l’appellation marketplace. Mais la réalité n’est pas homogène, avec des modèles économiques qui varient énormément : distribution en BtoBtoC ou en BtoB, parcours de souscription intégrés ou non, plateformes en marque blanche, avec ou sans abonnement mensuel… Derrière cette diversité, trois catégories de marketplaces se distinguent :
- des marketplaces comparateurs : ce modèle prédomine sur le marché. Il agrège différents produits du marché et permet une comparaison technique entre les offres de plusieurs compagnies.
- des marketplaces technologiques : connexion éphémère pour notamment souscrire le contrat choisi.
- des marketplaces avec services additionnels : ce modèle rassemble des services complémentaires à l’écosystème du produit principal distribué, afin de fidéliser le client.
Chaque acteur couvre seulement un maillon de la chaîne de distribution, ce qui limite fortement les possibilités de grandir et d’atteindre une taille significative sur le marché.
Pour beaucoup de marketplaces, chacune a son expertise produit (santé, retraite etc). Le distributeur doit donc démultiplier des accès pour couvrir l’ensemble de son activité. De quoi freiner la promesse d’optimisation de son activité.
La rémunération
Quelle que soit la taille du distributeur, la problématique des commissions et de leur gestion émerge rapidement comme un enjeu majeur. Rappelons d’abord que chaque marketplace peut présenter un business model spécifique, qui peut reposer sur deux leviers principaux : un abonnement à la plateforme et/ou un pourcentage prélevé sur la commission du distributeur.
Empiriquement, ce sont évidemment les prélèvements sur les commissions (et sur-commissions) qui sont déterminants. C’est à ce moment que le courtier doit faire son calcul quant au volume d’affaires qu’il va réaliser via la plateforme. Les courtiers de proximité trouvent rapidement leur compte sur les marketplaces. Même s’ils touchent moins via cette intermédiation (les plateformes captant en moyenne 8% de la commission totale), elle leur permet de placer un risque qui aurait coûté trop cher via un code assureur en direct. Pour les gros courtiers en revanche, qui ont davantage de codes assureurs ouverts, la calcul du ROI de la marketplace doit être piloté régulièrement.
Animation des réseaux de distribution
La culture est encore différente entre l’animation faite par les institutionnels et celle des marketplaces. La quête perpétuelle de digitalisation des processus des plateformes ne doit se faire au détriment de la dimension humaine des échanges, qui restent un élément crucial dans la distribution de certains produits d’assurance. Historiquement dans le monde du courtage, l’animation du réseau de distribution joue un rôle déterminant dans son succès. Cependant, les marketplaces privilégient, pour se distinguer, la variété de l’offre et la digitalisation des parcours et s’intéressent peu au volet animation. Par conséquent, les courtiers de proximité peuvent céder à la tentation de travailler avec de nombreuses plateformes, diluant ainsi les volumes d’affaires. Avec le risque de réduire le ROI et de menacer la pérennité du modèle des marketplaces.
Le prochain tournant pour les marketplaces
Des évolutions technologiques sont nécessaires pour faire basculer le marché sur une taille critique intéressante avec plus d’assureurs et plus de distributeurs courtiers. Les éléments suivants sont au cœur des enjeux et défis à relever pour créer une plateforme de distribution sans couture et intégrer des fonctionnalités indispensables dans la gestion d’un portefeuille :
- La démarche Conseil est inexistante ou très faible aujourd’hui sur les plateformes ce qui pourrait être un levier concurrentiel pour mieux accompagner le conseiller dans son rôle et ses obligations prédominantes dans le métier.
- Vision verticalisée des outils à disposition : plusieurs plateformes ont su asseoir leur notoriété mais elles sont bien souvent focalisées et expert d’un ou deux produits et n’offrent que très peu de possibilités pour centraliser l’ensemble des contrats d’un courtier avec une vision 360 de son portefeuille.
- Centralisation des datas des contrats : gestion des contrats, visualisations des encours en temps réel etc
- Certains assureurs ne proposent pas de mettre à disposition leur API pour la tarification d’un produit et la gestion de la souscription.
Les marketplaces d’assurance se sont imposées comme un levier puissant de simplification et d’accélération de la distribution, en particulier pour les courtiers de proximité. Mais face à un écosystème encore fragmenté, des modèles économiques hétérogènes et des limites significatives, leur pleine maturité reste encore à atteindre. Elles doivent faire face à l’enjeu majeur de créer des plateformes plus intégrées et plus collaboratives, capables d’allier efficacité digitale et accompagnement humain pour devenir indispensables dans les stratégies de distribution de demain.