Modélisation du risque climatique : quelle est la tendance du marché ?

Une équipe pluridisciplinaire dédiée

Pour appréhender le sujet du risque climatique, les grands acteurs de la place ont chacun constitué une équipe pluridisciplinaire dédiée. Composée d’un corps historique de métiers de l’assurance, ces équipes font également appel à des spécialistes, dotés de nouvelles compétences propres aux risques climatiques. L’objectif de cette organisation est d’appréhender les impacts des aléas naturels sur toute la chaîne de valeur assurantielle.

Intégration du changement climatique dans les modèles internes

En complément des travaux déjà menés depuis plusieurs années sur des aspects quantitatifs ou encore sur des mesures de prévention et de protection auprès des assurés, l’ambition future partagée par ces équipes est l’intégration du changement climatique dans les modèles internes existants.

Les approches retenues sont généralement proches des modèles traditionnels. On retrouve l’architecture d’un modèle catastrophe classique avec ses trois modules : aléa, vulnérabilité et exposition. L’intégration du changement climatique intervient au sein du module aléa, par l’intermédiaire des scénarios climatiques («Representative Concentration Pathway » ) définis par le GIEC.

Des approches généralement multi-périls

Autre élément à noter : les approches retenues sont multi-périls ou, a minima, suffisamment générales pour être facilement répliquées. En dehors des spécificités de chaque péril, un enjeu fort se dégage : la sélection ou la construction d’une variable climatique adaptée au péril considéré. C’est notamment le cas pour le retrait-gonflement des argiles, largement abordé via un indicateur d’humidité des sols combinant pluviométrie et température.

Modélisation du risque climatique : se tourner vers une solution externe ?

Liberté le paramétrage limitée

Historiquement, la modélisation des catastrophes naturelles repose principalement sur trois fournisseurs de modèles marché : AIR, RMS et RQE. Ces modèles sont utilisés et reconnus mais offrent peu de liberté dans leurs paramétrages.

Dépendance au catalogue disponible de pays et de périls

La seconde limite à l’utilisation de ces modèles est qu’ils rendent les assureurs très dépendants du catalogue de pays et de périls proposés. A titre d’exemple, RMS prévoit courant 2022 la mise à disposition d’une nouvelle extension dans ses modèles permettant l’intégration des scénarios du GIEC. A ce jour, trois zones géographiques et périls sont concernés : « North Atlantic Windstorm », « Europe Inland Flood », « Europe Windstorm ».

Le retrait-gonflement des argiles, une spécificité française

A noter que la modélisation du risque de retrait-gonflement des argiles (RGA) n’est pas prévue pour l’heure. Il s’agit d’un point d’attention spécifique au marché français qui constate des mali récurrents sur cette typologie de sinistres. Ce constat a conduit la Cour des Comptes, dans un rapport publié courant février, à envisager une requalification du phénomène : « Si on considère que le RGA n’est pas une catastrophe naturelle caractérisée par son caractère imprévisible et irrésistible, une sortie du régime peut être envisagée. Si l’indemnisation continue à relever du régime des catastrophes naturelles, des évolutions importantes doivent être envisagées, après avoir fait l’objet d’anticipations et d’études d’impact minutieuses. »[1]

À ce jour seules des recommandations visant à renforcer la prévention auprès des particulier et de mesures d’adaptation du bâti ont été faites.

Modélisation du risque climatique : les enjeux prioritaires

D’une manière générale, il est plus que probable que les outils de marché restent une référence en termes de modélisation, notamment sur des aspects de réassurance. Il est tout de même intéressant de considérer les éléments suivants :

  1. Les modèles de marchés, historiquement plutôt calibrés sur des hautes périodes de retour, ne permettront probablement pas une analyse directe de la sinistralité de masse sans une crédibilisation de la moyenne au regard de l’historique sinistre à climat actuel.
  2. L’exposition portefeuille restera à la main des compagnies. Il sera alors nécessaire, dans une logique prospective, d’intégrer de nouvelles hypothèses d’évolutions, a minima sur le moyen terme comme à l’horizon d’un business plan. Parmi les éléments pertinents à intégrer figurent la politique de souscription interne et la répartition géographique du portefeuille. D’autres hypothèses externes, comme l’existence de politiques de mitigation et de gestion du risque à l’échelle nationale et locale : les Plans de Prévention des Risques Naturels (PPRN), plus spécifiques à l’inondation les Programmes d’Actions de Prévention des Inondations (PAPI) ou encore les différents scénarios de projections de population de l’INSEE [2], de la direction du Trésor [3] et du ministère de l’Agriculture [4] sont des éléments à prendre en compte.
  3. Le retrait-gonflement des argiles, spécificité française, n’est a priori pas concerné par une projection d’exposition, compte tenu de la nature du risque, de l’effet de garantie décennale et des nouvelles normes de construction, il est raisonnable de considérer que le stock de maisons à fort potentiel de sinistralité est déjà constitué pour les 30 prochaines années. Le risque est cependant à ce jour totalement absent de modèles marchés et son appréhension nécessitera des travaux en interne.

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Références

[1] Sols argileux et catastrophes naturelles : https://www.ccomptes.fr/fr/publications/sols-argileux-et-catastrophes-naturelles

[2] Les projections de population INSEE : https://www.insee.fr/fr/information/2546485

[3] La désindustrialisation en France – Direction générale du trésor : https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/40bd46a0-80ec-45ca-a6eb-8188b4511e54/files/607b4417-04f7-4095-a295-4dfab49fc167

[4] Enquête sur la structure des exploitations agricoles, AGRESTE Primeur : http://37.235.92.116/IMG/pdf/primeur350.pdf