Assurance emprunteur : que révèlent les sanctions prononcées ?
Les manquements à la loi Lemoine relevés par la DGCCRF concernent principalement une mauvaise gestion des demandes de substitution. Parmi les principaux problèmes, le non-respect du délai légal de 10 jours dans le traitement des demandes de substitution d’assurance ainsi que des retards dans l’émission et la transmission des avenants de crédit. Ces dysfonctionnements révèlent des processus internes inadaptés, générant des obstacles pratiques à la substitution.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi en 2022, des améliorations globales ont pu être constatées. Mais des frictions persistent et la mise en œuvre reste inégale selon les établissements bancaires.
La délégation d’assurance au moment de la souscription du crédit demeure marginale (environ 7,5 % car elle est systématiquement proposée – voire imposée – par l’établissement prêteur). Et aucune donnée fiable n’existe à ce jour sur les substitutions en cours de vie du prêt. En pratique, la loi Lemoine n’est appliquée qu’à moitié : la substitution est possible, mais le marché reste loin d’être aussi ouvert que la loi Lemoine l’ambitionnait.
Quelles solutions pour combler ces manquements ?
Les bancassureurs doivent donc mettre en place des solutions concrètes pour pallier aux manquements constatés. En premier lieu, la mise en place de workflows numériques est essentielle pour garantir le respect des délais légaux et améliorer l’expérience client. Ces workflows doivent permettre le suivi de chaque demande et de déclencher automatiquement la réponse sous 10 jours. Par ailleurs, une checklist électronique permet d’assurer la complétude des dossiers avant transmission, réduisant les risques de rejet ou de retard.
La digitalisation des avenants constitue un autre levier-clé. La signature électronique et l’envoi automatique des documents au client et à la banque garantissent un pilotage en temps réel mais également une restitution claire des délais dans des tableaux de bord par exemple.
Par ailleurs, la délégation doit être facilitée dès la phase de souscription. Cela implique un processus simplifié permettant à l’emprunteur de choisir librement son assureur, tout en respectant les obligations réglementaires (TAEG, devoir de conseil). La réduction des documents obligatoires contribue à cette simplification.
Enfin, des actions de conformité et de sensibilisation interne sont indispensables : formation des équipes sur les obligations légales, suivi et reporting régulier pour optimisation de toutes les étapes du processus et harmonisation des pratiques dans tous les réseaux afin d’éviter les écarts, localement ou au sein d’un même groupe.
La loi Lemoine, mal connue
La loi Lemoine souffre aussi d’un manque de notoriété. Seuls 27 % des emprunteurs en ont entendu parler, ce qui alimente la faible mobilité du marché. Les concurrents de bancassureurs ne représentent encore que 16-17 % des parts du marché malgré une légère progression depuis 2022 (+0,8 point entre fin 2021 et mi-2023).
Ce déficit d’information, associé à des démarches perçues comme complexes, explique pourquoi les assureurs classiques n’ont pas réussi à capter davantage de parts de marché. La loi, bien que favorable à la résiliation et à la concurrence, n’a pas été suffisamment popularisée auprès du grand public, et les acteurs traditionnels n’ont pas toujours investi dans des campagnes pédagogiques massives.
Une opportunité à mieux exploiter pour les concurrents des bancassureurs
Pourtant, l’assurance emprunteur devrait constituer un véritable “produit d’appel”. Par son caractère pluriannuel, silencieux (peu d’interactions une fois souscrit) et sa rentabilité élevée (S/P à 35% selon le rapport 2022 de l’ACPR), elle offre un levier stratégique pour attirer et fidéliser la clientèle.
En proposant des parcours fluides, une simplification concrète des démarches et des innovations (transparence tarifaire, services digitaux), les assureurs peuvent transformer ce produit en porte d’entrée vers une relation durable. Cette dynamique est renforcée par les synergies entre assurance emprunteur et autres produits clés : l’assurance habitation, mais également l’assurance-vie. En effet, un retrait important (rachat, déblocage anticipé de PER) intervient fréquemment dans le cadre d’un projet immobilier, ce qui permet aux assureurs de proposer des offres intégrées cohérentes et de capter plus en amont les futurs acquéreurs.
Loi Lemoine : une concurrence renforcée au bénéfice des emprunteurs
En capitalisant sur ces atouts et sur les failles opérationnelles des bancassureurs, les assureurs traditionnels disposent d’une réelle opportunité pour concurrencer un marché encore largement dominé par les banques. Celles-ci, de leur côté, doivent améliorer leurs processus pour se conformer aux exigences réglementaires mais aussi pour proposer une solution attractive aux emprunteurs ayant souscrit leur crédit auprès d’un autre établissement… et capter de nouvelles parts de marché.
Cette dynamique ouvre la voie à une transformation durable du secteur, où innovation, transparence et simplification pourraient enfin concrétiser l’ambition initiale de la loi Lemoine : instaurer une concurrence réelle au bénéfice des emprunteurs.