Après une longue période de baisse, la hausse des taux de revalorisation des fonds euros entamée depuis 2022, s’est bien accentuée en 2023 avec un taux de rendement estimé en moyenne à 2,5%. Si la rémunération des contrats phares de la France Mutualiste est passée de 2,11% en 2022 à 3,70% en 2023, Sogécap a quant à elle annoncé un taux de rendement moyen servi de 3,31% sur son support en euros, soit une hausse de +114 points de base par rapport à 2022. Cette hausse était prévisible dans un contexte d’inflation, de hausse des taux d’intérêt et face à la concurrence accrue des livrets réglementaires.

Hausse des taux servis en assurance vie : quelle stratégie de gestion ? 

Pour les contrats d’assurance vie épargne-retraite, la hausse des taux a incité les assureurs à augmenter le taux de rendement servi aux assurés en utilisant les réserves distribuables qu’ils avaient accumulées pendant la période de baisse des taux. C’est bien ce qu’avance Société Générale Assurance. « La qualité de la gestion financière du support en euros ainsi qu’une utilisation maîtrisée des importantes réserves financières constituées, sont deux gages de compétitivité du rendement dans la durée », explique le groupe dans le communiqué annonçant la hausse du rendement de son fonds en euros pour 2024.

De son côté, l’ACPR précise dans son programme de travail pour 2024 qu’elle « étudiera les évolutions de la rémunération servie au titre de 2023 en assurance-vie, notamment la redistribution progressive de la provision pour participation aux bénéfices (PPB) constituée ces dernières années afin de maintenir une rémunération attractive pour les épargnants ». La gestion des réserves distribuables aux assurés (la provision pour participation aux bénéfices) est donc au cœur de la stratégie de définition des taux de revalorisation et elle constitue un élément clé d’analyse et de comparaison des fonds en euros.

Lien entre taux servi et mécanisme de PPB 

Le taux de revalorisation servi aux assurés dépend de trois éléments : le taux d’intérêt technique, la participation aux bénéfices de l’exercice immédiatement distribuée et l’éventuelle reprise de PPB. Le taux d’intérêt technique, fixé dans le contrat dès sa souscription, est garanti et est valable pour toute sa durée de vie. Il est assimilable à un taux de revalorisation minimum garanti.

La participation aux bénéfices (PB) est prélevée chaque année sur les bénéfices techniques et financiers de l’entreprise conformément à l’article L 132-29 du code des assurances : « Les entreprises d’assurance sur la vie ou de capitalisation et les fonds de retraite professionnelle supplémentaire font participer les assurés aux bénéfices techniques et financiers qu’ils réalisent, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l’économie. ». Elle correspond au minimum à 90% du résultat technique (100% s’il est négatif) et à 85% du résultat financier. Elle peut être versée immédiatement aux assurés à travers la revalorisation de la provision mathématique (PM) de leur contrat, ou différée en la dotant en Provision pour Participation aux Bénéfices (PPB).

Cette PPB doit être distribuée sous 8 ans (Article A132-16 du Code des assurances) et permet à l’assureur de lisser les bénéfices générés chaque année. Une reprise pourra être effectuée pour atteindre un taux de PB cible ou une dotation en cas de surplus pour anticiper sur des années moins favorables. Une bonne gestion de la PPB permet donc à l’assureur d’améliorer son résultat et d’éviter le déclenchement de rachats massifs si le taux servi était jugé non compétitif.

Dans le cadre réglementaire Solvabilité 2, le mécanisme de PB a un fort impact sur l’évaluation des flux de trésorerie futurs dès lors que les prestations versées aux assurés dépendent de la participation aux bénéfices distribuée à chaque fin d’exercice. Ce qui incite les assureurs à mettre en place des procédés pour optimiser le taux à servir. 

Illustration de l’impact de la PPB dans la détermination du taux servi 

La définition d’une stratégie de distribution de la PB constitue un enjeu majeur pour les compagnies d’assurance vie. C’est un exercice complexe, et qui a un impact sur leurs indicateurs de solvabilité.

Cette stratégie suppose :

  • la définition du taux annuel de revalorisation cible à servir aux assurés,
  • et la mise en place d’un algorithme avec des actes de gestion (réalisation de plus-value, reprise de PPB…) pour atteindre l’objectif de revalorisation fixé.

Le taux de revalorisation cible peut être défini en fonction de deux taux : le taux garanti et le taux attendu par l’assuré. Le taux garanti est le taux qui permet à l’assureur de respecter ses engagements contractuels. Le taux attendu par l’assuré est celui qui est modélisé en prenant en compte des contraintes exogènes liées aux taux servis par la concurrence.

Pour l’algorithme, le point de départ est la détermination des produits financiers des actifs de la société que sont les coupons des obligations, les dividendes des actions, les loyers de l’immobilier, etc.

Il doit répondre à deux questions :

  • Les produits financiers permettent-ils à l’assureur de servir son taux garanti ?
  • A-t-il les ressources nécessaires pour servir le taux de revalorisation cible ?

Autrement dit : le taux des produits financiers (taux de PF) est-il suffisant pour servir le TMG ?

Si oui, le nouvel objectif sera de servir le taux de revalorisation cible (taux cible).

Si non, les plus-values latentes (PVL) supplémentaires réalisées sur les actions permettent de compléter. Si cela ne suffit pas, la marge de l’assureur peut également servir d’ajustement. Finalement, le taux servi sera inférieur ou égal au taux cible.

D’autre part, si le taux de PF est supérieur au TMG mais inférieur au taux cible, il est possible de reprendre la PPB et/ou réaliser les PVL sur les actions afin que la somme du taux de PF et de la reprise de PPB soit égale au Taux Cible. Si cette somme reste inférieure au taux cible, le résultat de l’assureur pourra être réduit pour servir un taux égal au taux cible.

Enfin, si le taux de PF est supérieur au taux cible, il peut être opportun de réaliser d’éventuelles moins-values sur les actions. Si la condition reste toujours vérifiée, la PPB bénéficie d’une dotation complémentaire, avec un taux servi égal au taux cible.

Ces règles décrites ne sont qu’un exemple simplifié de fonctionnement d’un algorithme. Les compagnies d’assurance fixent les règles de gestion en fonction des contraintes réglementaires, de leurs éventuelles contraintes contractuelles et de leurs propres objectifs.